insensiblement entre mes mains, sans qu'il m'ait été possible de m'en défendre, en
un traité élémentaire de chimie.
L'impossibilité d'isoler la nomenclature de la science et la science de la nomenclature
tient à ce que toute science physique est nécessairement formée de trois choses : la
série des faits qui constituent. la science ; les idées qui les rappellent ; les mots qui
les expriment. Le mot doit faire naître l'idée ; l'idée doit peindre le fait : ce sont trois
empreintes d'un même cachet ; et, comme ce sont les mots qui conservent les idées
et qui les transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner le langage sans
perfectionner la science, ni la science sans le langage, et que, quelque certains que
fussent les faits, quelque justes que fussent les idées qu'ils auraient fait naître, ils ne
transmettraient encore que des impressions fausses, si nous n'avions pas des
expressions exactes pour les rendre.
La première partie de ce traité fournira à ceux qui voudront bien le méditer des
preuves fréquentes de ces vérités ; mais, comme je me suis vu forcé d'y suivre un
ordre qui diffère essentiellement de celui qui a été adopté jusqu'à présent dans tous
les ouvrages de chimie, je dois compte des motifs qui m'y ont déterminé.
C'est un principe bien constant, et dont la généralité est bien reconnue dans les
mathématiques, comme dans tous les genres de connaissances, que nous ne
pouvons procéder, pour nous instruire, que du connu à l'inconnu. Dans notre première
enfance nos idées viennent de nos besoins ; la sensation de nos besoins fait naître
l'idée des objets propres à les satisfaire, et insensiblement, par une suite de
sensations, d'observations et d'analyses, il se forme une génération successive
d'idées toutes liées les unes aux autres, dont un observateur attentif peut même,
jusqu'à un certain point, retrouver le fil et l'enchaînement, et qui constituent l'ensemble
de ce que nous savons.
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