Lorsque nous nous livrons pour la première fois à l'étude dune science, nous
sommes, par rapport à cette science, dans un état très-analogue à celui dans lequel
sont les enfants, et la marche que nous avons à suivre est précisément celle que suit
la nature dans la formation de leurs idées. De même que, dans l'enfant, l'idée est un
effet de la sensation, que c'est la sensation qui fait naître l'idée, de même aussi, pour
celui qui commence à se livrer à l'étude des sciences physiques, les idées ne doivent
être qu'une conséquence, une suite immédiate d'une expérience ou d'une observation.
Qu'il me soit permis d'ajouter que celui qui entre dans la carrière des sciences est
dans une situation moins avantageuse que l'enfant même qui acquiert ses premières
idées ; si l'enfant, s'est trompé sur les effets salutaires ou nuisibles des objets qui
l'environnent, la nature lui donne des moyens multipliés de se rectifier. A chaque
instant le jugement qu'il a porté se trouve redressé par l'expérience. La privation ou la
douleur viennent à la suite d'un jugement faux ; la jouissance et le plaisir à la suite
d'un jugement juste. On ne tarde pas, avec de tels maîtres, à devenir conséquent, et
on raisonne bientôt juste quand on ne peut raisonner autrement sous peine de
privation ou de souffrance.
Il n'en est pas de même dans l'étude et dans la pratique des sciences : les faux
jugements que nous portons n'intéressent ni notre existence ni notre bien-être ; aucun
intérêt physique ne nous oblige de nous rectifier : l'imagination, au contraire, qui tend
à nous porter continuellement au delà du vrai ; l'amour-propre et la confiance en nous-
mêmes, qu'il sait si bien nous inspirer, nous sollicitent à tirer des conséquences qui
ne dérivent pas immédiatement des faits ; en sorte que nous sommes en quelque
façon intéressés à nous séduire nous-mêmes. Il n'est donc pas étonnant que, dans
les sciences physiques en général, on ait souvent supposé au lieu
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